L'histoire du jean
L'invention du vêtement lui-même reviendrait à une collaboration entre Levi Strauss et Jacob Davis, tailleur à Reno dans le Nevada. Le premier était en effet à la tête d'un commerce de tissu et vêtements, Levi Strauss & Co., installé sur la côte ouest américaine lors de la ruée vers l'or en 1853. Il transportait alors dans ses chariots des toiles de tente et des bâches en toile denim brune qu’il vendait aux forty niners. Un de ses clients, Jacob Davis, lui achète ses toiles et taille dedans des pantalons de travail renforcés par des rivets en cuivre au niveau des points sensibles (poches, braguettes), parvenant ainsi à satisfaire les exigences en matière de solidité d'une cliente pour son mari bûcheron[2]. Devant le succès de son pantalon auprès des bûcherons et des mineurs et pour éviter les contrefaçons, en 1872, il propose à Levi Strauss de partager les fruits de la commercialisation de son invention en échange du paiement de la somme nécessaire au dépôt du brevet. Jacob Davis joint à la lettre proposant l'affaire à Levi Strauss deux pantalons de sa fabrication selon ce procédé, dont l'un en denim[3].
Le brevet est accordé le 20 mai 1873[4]. Jacob Davis supervise cette activité de confection de vêtement de travail au sein de l'entreprise Levi Strauss & Co. Bien qu'une partie de la production soit en d'autres tissus (coutil ou duck canvas), ce sont les modèles en denim de chez Amoskeag, notamment grâce à leur couture en double X, qui assurent une réputation de solidité de la marque dans la dernière décennie du XIXe siècle.
Ce qui garantit le succès de la collaboration Davis-Levi Strauss, c'est, outre le choix du denim (tissu exclusif à partir de 1860) et le renforcement par des rivets, le fait d'avoir privilégié le pantalon, et non, comme la concurrence, la salopette. À l'origine, le produit est désigné par son fabricant sous le terme Waist overallspar opposition aux Bib overalls, les salopettes, mais par la suite, c'est l'appellation « jeans » qui finira par s'imposer. Le mot proviendrait de la contraction de « de Gênes », déformé par la prononciation locale. Le bleu de Gênes (blu di Genova) désignait la teinture correspondant à la couleur originelle des bleus de travail rivetés en denim produits par l'entreprise Levi Strauss & Co. et les autres marques l'imitant. Le terme s'impose dans les années 1920 lorsque la marque californienne Can't Bust'Em lance un modèle dénommé Frico Jeens[5].
Les jeans de production Levi Strauss & Co. des premiers temps conservent les attributs caractéristiques des vêtements de travail de la marque à destination des bûcherons et chercheurs d'or :
- coupe très large ;
- poche unique au dos ;
- martingale, une demi-ceinture placée à l'arrière resserrant la taille ;
- présence de boutons pour les bretelles ;
- surpiqûres en lin orange sur les poches arrière, pour les assortir aux rivets de cuivre (à partir de 1873)
- poche à outil latérale sur certains modèles...
Selon certaines sources, la présence d'une poche à gousset et d'une poche arrière sur un jean aurait pour origine le fait que Jacob Davis soit d'abord un tailleur, confectionnant notamment des pantalons plus habillés. Il aurait utilisé un tel modèle pour la création de son premier pantalon de travail riveté[6].